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Vents porteurs pour une industrie maritime décarbonée à Saint-Nazaire

Vents porteurs pour une industrie maritime décarbonée à Saint-Nazaire David Samzun, maire de St-Nazaire, en présentation lors des Assises de la Mer

Éolien offshore, propulsion vélique, bioressources marines, hydrogène vert : à travers quatre projets d’envergure, le OFF des Assises de l’économie de la mer 2023 a mis en lumière la transition écologique à l’œuvre sur le territoire.

C’est dans la toute nouvelle Maison de l’Entreprise de Saint-Nazaire qu’a débuté le 27 novembre dernier le OFF des Assises de la mer, une journée immersive organisée par Nantes Saint-Nazaire Développement et Saint-Nazaire Agglomération. L’occasion de donner la parole aux acteurs innovants engagés dans la volonté de décarboner l’économie, lors d’une table ronde animée par Paul Tourret, directeur de l’ISEMAR.


Une centaine de gréements à propulsion vélique par an à horizon 2030

Nés il y a près de 150 ans, les Chantiers de l’Atlantique n’ont de cesse de chercher de nouvelles solutions pour propulser leurs géants des mers et tendre vers un navire zéro émission. Le MSC World Europa, livré à l’automne 2022, fut ainsi le premier navire propulsé au gaz. « Notre longévité tient à notre capacité à nous réinventer en permanence », confie Adrien Benoist, responsable de la stratégie et du développement du projet SolidSail, un concept de voile rigide de très grande dimension constituée de panneaux rectangulaires en composite. L’emblème nazairien de la construction navale s’est intéressé dès 2008 à la propulsion vélique. Depuis le prototype conçu pour un bateau de plaisance, la voile a été testée sur les mers dans de nombreuses configurations notamment sur l’Imoca de Jean Le Cam et le navire de croisière Le Ponant. En 2025, SolidSail équipera le premier cargo à voiles de l’armateur Neoline avant de propulser le Silenseas, futur plus grand paquebot à voile fabriqué par les Chantiers de l’Atlantique pour le compte du groupe Accor. Des débuts prometteurs pour le département vélique des Chantiers, qui a déjà engrangé 8 commandes. « Nous devons aller plus loin pour parvenir à baisser les coûts et rendre le produit attractif », tempère Adrien Benoist. Le marché des paquebots est insuffisant, nous visons aussi les cargos au-dessus de 120 m et les navires à partir de 80 mètres ». La bonne nouvelle, c’est que cette innovation n’est pas réservée à la construction neuve, il sera en effet possible, sur certains navires comme les tankers, vraquiers et rouliers de réinstaller des gréements. « Nous visons 15 gréements par an à compter de 2026, une centaine à horizon 2030. »


L’éolien en mer, nouvel emblème de l’industrie nazairienne

Nouvelle source de propulsion pour la construction navale, la puissance du vent marin fait tourner depuis fin 2022 les 80 éoliennes du premier parc éolien en mer de France, à quelques kilomètres au large des côtes. Exploité par EDF Renouvelables, la filiale à 100 % d’EDF, le Parc éolien en mer de Saint-Nazaire doit couvrir pendant les vingt-cinq prochaines années l’équivalent de 20 % de la consommation en électricité de la Loire-Atlantique. Des dizaines de techniciens partent chaque jour de La Turballe, port de base des activités de maintenance. Car autour de Saint-Nazaire, « c’est tout un écosystème qui s’est impliqué pour que ce projet voie le jour », résume Charlotte Sugliani, cheffe de projet du Parc éolien en mer de Saint-Nazaire. La création du hub logistique par le port de Saint-Nazaire pour accueillir le site de préassemblage des éoliennes, la construction de la sous-station électrique par les Chantiers de l’Atlantique, ou encore l’assemblage des éoliennes sur le site GE à Montoir-de-Bretagne ont été autant d’étapes indispensables à la naissance du parc. Des activités souvent facilitées par le réseau de PME Neopolia. Ce savoir-faire industriel nazairien s’est accompagné d’un « soutien politique indéfectible et du précieux concours des services de la Carène dans la mise en œuvre des clauses sociales ». « Après des débuts prometteurs, notre défi sera d’assurer l’exploitation du parc dans une cohabitation harmonieuse avec les autres activités présentes sur ce site ouvert telles que le pêche, la plaisance ou la plongée sous-marine .» Autre enjeu et non des moindres : faciliter la formation et le recrutement des quelque cent personnes qui travaillent sur le parc. Des collaborations sont déjà à l’œuvre avec les acteurs locaux comme l’IUT de Saint-Nazaire, qui a développé une formation spécifique au métier de technicien éolien offshore.


Les microalgues, un potentiel immense

Et lorsqu’il s’agit d’accompagner le développement d’activités émergentes par une nouvelle offre de compétences, le territoire sait y faire. « Autour de la plate-forme R&D AlgoSolis se crée un écosystème dynamique autour des microalgues, qui permet de monter rapidement des projets, témoigne Olivier Lépine, directeur scientifique et technique et co-fondateur d’Algosource. Issue des laboratoires du GEPEA de l’Université de Nantes, la pionnière des bioressources marines a développé toute une chaine de valeurs autour des microalgues, depuis la recherche fondamentale jusqu’à la distribution du produit fini. « Les microalgues possèdent des molécules particulières, absentes des plantes terrestres », commente Olivier Lépine. La phase de recherche a permis d’identifier les nombreuses applications possibles de ce trésor aquatique. Parmi celles déjà mises en œuvre : la prévention santé, avec des produits qui permettent de diminuer les effets secondaires des traitements en cancérologie, testés avec le CHU de Nantes et sept autres hôpitaux en France. La pépite biotech travaille sur de nombreux projets de recherche, notamment sur la production de biocarburants à base de microalgues, en lien avec IMT Atlantique et Nantes Université. « Le potentiel est immense, nous avons plusieurs cordes à notre arc pour développer des produits dont l’efficacité est cliniquement prouvée. » La startup portera son effectif à 50 salariés dans les prochains mois et s’installera dans de nouveaux locaux sur le site universitaire de Gavy, qui l’a vu naitre il y a près de trente ans. 


La mer, avenir de l’hydrogène 

Si l’histoire de Lhyfe avec le territoire est plus récente, les projets de la pépite française de l’hydrogène vert s’y développent à vitesse grand V. La startup créée en 2019 à Nantes compte déjà près de 200 collaborateurs et est présente dans 12 pays européens. C’est sur le site d’essais en mer du SEM-REV, au large du Croisic, que l’entreprise a installé au printemps dernier sa plate-forme pilote de production d’hydrogène offshore, Sealhyfe. « Cette expérience a montré ce qu’on était capable de faire, en partenariat avec les entreprises locales », témoigne Ghislain Robert. Pour le directeur commercial de Lhyfe, l’hydrogène représente un potentiel énorme « c’est une véritable opportunité pour les territoires et un nouvel entrant pour le port. » Lhyfe a justement été retenu par Nantes Saint-Nazaire Port pour implanter sur le site de Montoir de Bretagne une unité de production et de distribution d’hydrogène renouvelable. Une nouvelle de bon augure pour Lhyfe, qui voit son avenir au large. Ghislain Robert imagine à long terme pouvoir se connecter à des éoliennes flottantes pour produire massivement de l’hydrogène. Une configuration idéale pour « exploiter à la fois l’eau de mer et l’énergie qui y est produite ». Et de confier que « la vocation de Lhyfe, c’est aussi de produire de l’oxygène. Quand on sépare l’hydrogène de l’oxygène, on produit dix fois plus d’oxygène. Aujourd’hui, on ne l’utilise pas, mais notre souhait est de réinjecter cet oxygène dans l’océan pour lui redonner ses capacités d’absorption de gaz à effets de serre. » L’entreprise affiche ainsi son ambition, à terme, d’absorber un milliard de tonnes de CO2 par an, soit 3 % des émissions de gaz à effet de serre. 


Zibac et Îlot maritime : deux projets structurants pour l’économie maritime de demain

En compléments des projets majeurs initiés par les entreprises du territoire, deux autres chantiers vont contribuer à la transition de l’économie maritime nazairienne.

L'Îlot maritime

Sur le plateau du Petit Maroc, au bord du bassin portuaire de Saint-Nazaire, un ensemble dédié à l’univers maritime verra le jour en 2026. Brique phare du projet : le futur centre national de formation de la SNSM (Société Nationale de Sauvetage en Mer), avec un bassin conçu pour reproduire toutes les conditions météorologiques vécues en mer et former en sécurité les sauveteurs. Cet équipement inédit à ce jour servira aussi à tester les innovations des entreprises du secteur. Une pépinière, un incubateur et des espaces de travail partagés complèteront ce pôle innovant dédié au monde maritime. 

La ZIBaC Loire Estuaire

Transformer le territoire en un hub énergétique décarboné, telle est l’ambition du projet ZIBaC, pour Zone Industrielle Bas Carbone, porté par l’Association des Industriels Loire Estuaire (AILE), Nantes Saint-Nazaire Port, Saint-Nazaire Agglomération, la communauté de communes Estuaire et Sillon et la Région des Pays de la Loire. Parmi la trentaine de projets inscrits à la feuille de route, la création de vapeur à partir de tourteaux avec Cargill et la valorisation des coproduits du cimentier Equiom.


La dynamique se poursuit…

La transition de l’économie maritime sera au cœur de deux grands rendez-vous phares à Saint-Nazaire : les Assises nationales des énergies marines renouvelables en juin 2024 et Wind for Goods en juin 2025.

©Martin Launay / CARENE