Coopérer pour mieux décarboner : à Saint-Nazaire, industriels, startups et acteurs publics sur le pont !

Coopérer pour mieux décarboner : à Saint-Nazaire, industriels, startups et acteurs publics sur le pont !

Le 20 juin dernier, l’événement « Sur le Pont ! Tech & transitions », au CESI de Saint-Nazaire, a donné à voir un territoire engagé collectivement pour décarboner ses activités maritimes et industrielles.

Organisé par Nantes Saint-Nazaire Développement, Saint-Nazaire Agglomération et Atlanpole, l’événement a exploré les enjeux des collaborations entre tech & industrie et des synergies public-privé au service de la décarbonation. Après une matinée centrée sur les usages industriels de l’IA, c’est par une conférence inspirante, proposée par le Blue Lab de Saint-Nazaire (dans le cadre du projet Atlic Innoblue) que l’après-midi a débuté. 

Difficile en effet de ne pas se laisser embarquer par le souffle du projet Zephir, porté par Marc Amerigo. Adepte de challenges et de projets complexes, l’ingénieur entrepreneur a accompagné plusieurs sportifs à battre des records dans des milieux extrêmes. Aujourd’hui, c’est aux côtés du champion du monde de windsurf Antoine Albeau qu’il cherche à « percer les secrets de la glisse absolue ». Basé sur le biomimétisme pour reproduire la puissance de glisse dans l’eau et dans l’air des poissons et des oiseaux, le projet fait de la planche à voile du champion un véritable laboratoire expérimental. Soutenu par 70 entreprises, Zephir conjugue intelligence collective et technologies de pointe : simulateur de vol et de navigation, big data, IA, calcul 3D, mesure embarquée, tests en soufflerie, réalité augmentée, motion capture, etc. L’objectif : concilier haute vitesse, stabilité, sécurité et efficacité énergétique. « Notre ambition n’est pas seulement d’établir de nouveaux records de vitesse à la voile, mais aussi contribuer, par ces innovations, à un univers décarboné », revendique Marc Amerigo. « Ces innovations sont transposables à tout ce qui glisse dans l’eau ou dans l’air et sont susceptibles d’intéresser d’autres sports nautiques, mais aussi des projets industriels »


Collaborer pour innover et décarboner : une recette unanimement adoptée

Des technologies au service de la performance et de l’écoresponsabilité, un projet dopé par les collaborations… le projet Zephir fait écho aux solutions de la startup nantaise D-Ice Engineering. Sa technologie de modélisation et de simulation des opérations maritimes permet de sécuriser la navigation, mais également de réduire la consommation des navires et les émissions de gaz à effets de serres associées. Des technologies de rupture qui intègrent hydrodynamique, mathématiques appliquées, robotique et intelligence artificielle. La deeptech a ainsi « créé le cerveau » du Canopée, le cargo à propulsion hybride vélique et thermique dédié au transport des éléments d’Ariane 6. « Notre objectif est d’accélérer la transition énergétique », confie Sofien Kerkeni, son dirigeant. «Les défis qui s’imposent à nous du fait du changement climatique et de la transition énergétique rendent la collaboration de plus en plus indispensable ». Cela se traduit en interne par la coopération entre plusieurs métiers, mais aussi par « la collaboration avec de grandes entreprises, des pôles de compétitivité, des laboratoires internationaux ». Et pour Sofien Kerkeni, « c’est une chance d’être ancré à Nantes, sur un territoire qui porte ces valeurs. » 

Un constat partagé par Sébastien Leroy : « Saint-Nazaire et Nantes ont su se renouveler du point de vue industriel, de nombreuses pépites émergent, on sent une énergie palpable. » Le directeur open innovation du groupe Daher se félicite des collaborations fluides sur le territoire. Partenaire de l’IRT Jules Verne, l’équipementier et constructeur aéronautique, prestataire de services industriels, travaille de longue date avec les clusters et pôles de compétitivité. « Les innovations vont aujourd’hui beaucoup plus vite qu’avant. Si on n’avance pas dans une collaboration effective avec les différents acteurs, on se retrouve vite limité par ses propres moyens et dans sa capacité à mener des projets. »

Pour François Jan, directeur du PASCA (« Pôle d’expertises et réseau professionnel supply chain »), collaborer s’impose aussi comme « une évidence dans un domaine aussi transversal que la logistique ». « Il est nécessaire de collaborer à la fois en interne de la chaine, mais aussi avec d’autres acteurs tels que laboratoires de recherche, pôles de compétitivité et startups du territoire, porteurs de technologies et d’innovations. Des coopérations d’autant plus stratégiques que le transport est à l’origine de 31 % des émissions de gaz à effet de serre. » Au vu de ces enjeux, évoluer sur un territoire riche d’un « écosystème extrêmement dynamique et où les collectivités jouent un rôle moteur » constitue un atout certain. 

Décarbonation et collaboration vont également de pair pour Lhyfe, né de « la rencontre entre le domaine de l’électrolyse de l’eau et celui de l’énergie renouvelable », comme le souligne Ghislain Robert, directeur commercial France. Leader et pionnier de l’hydrogène vert renouvelable, l’entreprise implantée à Nantes a remporté l’appel à manifestation d’intérêt lancé par Nantes Saint-Nazaire Port pour développer un site de production d’hydrogène vert. Objectif : « produire plus de 80 tonnes d’hydrogène par jour pour décarboner l’écosystème portuaire ». Ghislain Robert salue « les grandes ambitions du territoire de Saint-Nazaire dans l’hydrogène ».


Des acteurs publics et privés engagés

Les acteurs du territoire s’impliquent en effet aux côtés de ces entreprises innovantes et engagées pour faciliter et accélérer les transitions. Initiateur de l’appel à projets ZIBaC (Zone industrielle bas carbone), l’ADEME Pays de la Loire accompagne les entreprises déjà matures sur le long terme dans leur démarche de décarbonation, et incite les autres à se lancer, notamment en rejoignant des actions collectives telles que ACT (Accelerate Climate Transition). « Notre ambition est de massifier et accélérer la transition écologique des entreprises », commente Charline Arrivé, référente du programme Territoires d’industrie. 

L’Association de Décarbonation Loire Estuaire (Adele) illustre parfaitement la dynamique publique privée à l’œuvre sur le territoire. Elle regroupe en effet les collectivités locales, Nantes Saint-Nazaire Port et un pool d’industriels parmi les plus gros émetteurs de CO² du territoire, regroupés au sein de l’association AILE (Association des Industriels Loire Estuaire). Son rôle ? Organiser le pilotage opérationnel du programme Loire Estuaire Décarbonation (nom attribué au programme ZIBaC), notamment en lien avec l’ADEME. Son secrétaire général Martin Devyver en rappelle l’ambition : « passer d’un hub d’énergies carbonées à un hub d’énergies décarbonées, au service de la décarbonation du territoire et au-delà. » Une transformation « forcément collaborative », qui comporte un important volet sociétal, eu égard aux 30 000 emplois liés au Grand Port.

« L’économie mondiale est en grande partie liée au secteur maritime, ce qui rend sa décarbonation d’autant plus indispensable », appuie Frédéric Ravilly, délégué régional du Pôle Mer Bretagne Atlantique. « L’énergie du vent représente un potentiel énorme pour atteindre cet objectif, notamment pour le transport au long cours, mais aussi pour le cabotage ou les navires de transfert d’équipage sur les parcs éoliens ». Le Pôle Mer Bretagne Atlantique facilite le développement de projets autour de l’économie bleue par de la mise en réseau, l’identification de partenaires ou encore la recherche de financement.

« En tant que territoire, il est de notre rôle d’accompagner ces acteurs engagés dans la transition, en répondant à leurs besoins essentiels, tels que des surfaces foncières ou l’accès à des compétences », estime pour sa part Lorraine Bertrand, responsable du service Entreprises, Innovation et Enseignement supérieur de Saint-Nazaire agglomération. « Nous devons également veiller à ce que cette transformation entraine tout un tissu de sous-traitants, de PME et d’entreprises de services. »


Anticiper les compétences pour accélérer les besoins en transitions

Comment accompagner la transition sur le volet des compétences ? Pour répondre aux besoins de ces nouveaux enjeux, encore faut-il savoir précisément « de quels métiers et compétences on parle, et connaitre les volumes pour pouvoir se projeter ». Chargée de mission Emploi, Transition et métiers de demain au sein du service emploi de Saint-Nazaire agglomération, Gaëlle Bottin pilote une étude sur l’évolution des métiers et des compétences liées à la transition énergétique. « Il s’agit avant tout de poser un diagnostic pour connaitre l’impact des transitions sur les métiers. Certains seront peut-être amenés à disparaitre, d’autres vont émerger, il convient d’anticiper les conséquences sur les compétences des salariés d’aujourd’hui et de demain. C’est l’ensemble du territoire qui se met en marche pour passer ces caps importants. »

Au sein de la French Tech Saint-Nazaire La Baule Pornic, la "commission Talents" prend le sujet des compétences à bras le corps, comme l’explique Pierre Minier, son président. L’association de dirigeants dans le numérique a ainsi cartographié l’ensemble des formations disponibles sur le territoire dès la seconde jusqu’à bac+8, afin d’identifier les manques et d’adapter les formations. La French Tech contribue par ailleurs à d’autres études, comme celle lancée par Patrick Pirrat, expert industriel, ex-responsable R&D aux Chantiers de l’Atlantique, afin d’évaluer les besoins en numérique.

En croissance de 20 % par an, les compétences sont un véritable enjeu pour Duqueine Atlantique et Mexico. Historiquement dédié à l’aéronautique, le concepteur et fabricant de pièces et sous-ensembles en matériaux composites hautes performances opère désormais aussi dans le nautisme. « Les compétences propres à l’aéronautique ne sont pas toutes transposables au monde maritime » témoigne son directeur Nicolas Henry, qui constate également la concurrence, en termes d’attractivité, des gros donneurs d’ordre sur des compétences de pointe. Parmi les leviers, « ouvrir les portes des entreprises aux jeunes et se rendre dans les écoles ».

Un rapprochement écoles/industrie que Sandrine Pincemin, directrice de l’école d’ingénieurs EPF à Saint-Nazaire, appelle de ses vœux. « L’attractivité des jeunes, et notamment des jeunes filles, pour ces métiers est devenue un sujet de préoccupation majeure ».

Dans ce contexte, le sens proposé par l’entreprise — Lhyfe et son objectif ambitieux de décarboner un milliard de tonnes de CO2 par an, soit 3 % de la production mondiale ; Duqueine qui fabrique le nouvel Imoca d’Armel Tripon en matériaux réemployés — s’impose pour susciter des vocations. Une filière industrielle high tech et décarbonée, qui attire les talents, une réalité en marche pour Saint-Nazaire !