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Passer le cap de la crise, se remettre à l’ouvrage, reprendre une vie quasi normale, mais sans oublier de tirer les leçons de cet épisode inédit. Le Palace en partenariat avec l’agence Nantes Saint-Nazaire Développement et Maddyness ont voulu donner la parole aux hommes et aux femmes qui entreprennent pour sonder leurs visions et interrogations face à un contexte plus incertain que jamais. Dix tribunes libres sans figure imposée, pour prendre le temps de penser et de s’exprimer sur ce “nouveau” monde d’aujourd’hui seront publiées sur ce site chaque lundi et jeudi.
La période a encore accru la rupture entre nos élites et les travailleurs, alimentant un peu plus le climat insurrectionnel de ce pays.
Qui n’a pas remarqué à quel point il était plus confortable de vivre cette période au chaud dans sa maison avec son jardinet, à télétravailler ou jouir du chômage partiel, pendant que de nombreuses professions devaient être au front, sans relâche ? Combien ont été marqués de voir tous les « cols blancs » quitter la Capitale pour aller au vert ou en bord de mer pendant que d’autres devaient rester fidèles au poste ?
Tous ces métiers, caissier.e.s, éboueurs.ses, soignant.e.s, commerçant.e.s, agriculteurs.trices, employé.e.s dans les usines et entrepôts, policier.e.s , chauffeurs.euses, livreurs.euses, artisan.e.s, …. que trop peu de gens rêvent de faire, parce que souvent difficiles physiquement, parfois moralement, mal payés mais surtout très mal considérés, ont démontré, s’il le fallait, leur utilité absolue. Sans eux, il n’y a rien qui fonctionne.
Et pourtant, dès le plus jeune âge, nous sommes confrontés à une forme d’élitisme qui nous pousse à déconsidérer ces professions. Le système éducatif en premier lieu commence par nous mettre en tête que seules valent les hautes études pour accéder à la réussite, au « bonheur », en considérant comme des voies de garage toutes les études techniques et professionnalisantes puisqu’elles sont conseillées principalement en situation d’échec scolaire. Nos enfants même finissent par en être convaincus et vont préférer galérer dans des voies générales, perdre peu à peu confiance en eux plutôt que d’aller s’épanouir dans toutes les formidables voies de formations alternatives, qui soit dit en passant mènent à coup sûr vers un emploi, utile de surcroît. Et cet élitisme se poursuit tout au long du parcours professionnel où l’on finit par retrouver dans les castes dirigeantes des personnes issues des mêmes milieux, des mêmes écoles, avec des modes de pensée semblables, qui là encore contribuent à creuser le fossé de l’incompréhension avec certaines catégories de collaborateurs, enfermant les uns et les autres dans des procès d’intention. Mais cette France d’en bas, comme l’appellent parfois les politiques, est absolument essentielle à la vie économique et sociale de notre pays alors que ce sont souvent les professions les plus mal valorisées de notre société, que ce soit socialement ou financièrement.
Personne ne veut d’une médaille à notre époque. Ce que veulent les gens aujourd’hui, c’est de la considération et pouvoir vivre dignement.
Et nous avons tous un rôle à jouer dans la valorisation de ces métiers. Les politiques d’abord doivent prendre la peine d’écouter réellement leurs souffrances et leurs besoins en y apportant des réponses concrètes et simples de mise en oeuvre sans céder aux arrangements entre les différentes aristocraties syndicales, compromis bureaucratiques, ou pressions de lobbies trop puissants, qui mènent souvent à des solutions vidées de leur substantifique moelle. Puis nous, dirigeants et entrepreneurs, en nous rappelant le sens de ce qui est fait, en donnant les meilleures conditions de travail, en revalorisant financièrement cette main-d’oeuvre, en partageant toujours mieux les richesses équitablement entre tous les collaborateurs, et puis en étant à leur écoute, vraiment, pour qu’ils n’aient pas, comme c’est souvent le cas, l’impression d’être une chair à canon économique au profit d’une toute petite quotité de gens qui se servent grassement sur les profits de l’entreprise.
Et puis chacun de nous, à notre niveau, dans la vie de tous les jours, en adressant nos sourires, notre reconnaissance, nos mercis, bref, notre respect pour tous ceux qui rendent notre monde vivable, parfois au prix de leur santé physique et psychologique.
C’est de cela dont chacun a besoin en cette période trouble : de l’empathie et de la considération, pour essayer de comprendre un tant soit peu ce que chacun vit au quotidien pour pouvoir accorder le plus grand des respects aux différents points de vue et à la signification réelle des besoins exprimés, et que cela puisse se traduire dans les décisions et dans les actes.
Je me prends parfois à rêver à une solution pour que chacun se comprenne : instaurer un service agricole et industriel de 2 ans à tous les jeunes de notre pays par exemple. Cela permettrait à la fois de mettre du plomb dans la tête à beaucoup d’entre nous, harmoniser la compréhension de chacun, participer à la mixité sociale et qui plus est, ramener de la main-d’oeuvre là où il en manque cruellement.
Alors en attendant, faisons le maximum, tous, pour nous assurer que chacun puisse jouir de la dignité qu’il mérite.
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