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Malgré la crise sanitaire, et non sans difficultés, l'édition 2020 du Voyage à Nantes est programmée du 8 août au 27 septembre 2020. L'esprit de créativité, le travail avec les acteurs locaux, la place laissée à l'artiste, la ville en tant qu'être sensible... tous ces ingrédients incarnent l'ADN créatif nantais qui aide à surmonter les crises.
Le Voyage à Nantes n’est pas un festival comme les autres. C’est un parcours dans la ville, dans l’espace public, en extérieur, qui peut être arpenté par les Nantais tous les jours. Après une période de flottement en raison du confinement, nous avons décidé de fixer une date ferme, en fonction de laquelle nous avons pu commencer à imaginer de repousser l’événement d’un mois jusqu’au 27 septembre. Nous avons commencé par lister les œuvres pérennes, et les expositions dans les musées qui sont nombreux à Nantes. Il a fallu ensuite faire une sélection entre les œuvres que l’on choisissait de construire ces « chutes du Niagara » sur l’opéra Graslin, une œuvre monumentale, et d’autres que nous n’aurons pas le temps de réaliser comme l’énorme bateau échoué sur la Fontaine de la Place Royale, où l’eau sort par les trous de la coque. Nous l’avons remplacé par une œuvre rapportée, celle de la fontaine. Nous qui avons l’habitude de travailler avec des artistes in situ, cela a changé notre façon de faire.
En parallèle, nous avons maintenu des projets d’œuvres pérennes avec des partenaires privés comme cette œuvre avec le pôle numérique de l’Université. Il nous a fallu nous adapter, inventer une nouvelle formule à cause de cette situation exceptionnelle, pour pouvoir proposer quelque chose aux Nantais, aux artistes et aux visiteurs. Il était impossible de ne rien faire.
Cette créativité, cet engouement pour l’art date justement d’une crise. En 1990, quand Jean-Marc Ayrault arrive à Nantes, la ville a subi des désastres, des bouleversements. Et elle a aussi subi la désindustrialisation sur l’ile de Nantes, les chantiers navals ne sont plus là. Cette ville qui a perdu sa forme originelle est mal en point. Le maire va s’appuyer sur la créativité, sur la culture, pour montrer à l’échelle nationale que cette ville est dynamique, qu’elle est active, qu’elle a de l’énergie, qu’elle est à l’avant-garde. C’est le festival des Allumées qui fait venir à Nantes des artistes de partout dans le monde. Cette logique de la créativité nous suit depuis 30 ans. Avec aussi la réalisation du lieu unique dans une ancienne usine, de même que les Machines. Nous faisons de notre handicap une force.
C’est ensuite le parcours estuaire qui montre le lien entre métropole de Nantes et Saint-Nazaire, dont on confie l’interprétation à des artistes internationaux. Le Voyage à Nantes, qui rassemble les différents sites culturels de la ville (Château, Mémorial, Estuaire) en intégrant le tourisme, est issu de cette histoire. Depuis toujours, c’est cette créativité-là qui a stimulé la ville. La création artistique compte tellement pour cette ville, nous sommes dans une ville libre et cela se voit et se ressent.
Notre objectif est de suivre pas à pas les aménagements de la ville pour essayer d’introduire de la créativité dans les transformations. Si un architecte conçoit un immeuble, nous allons réfléchir à introduire une démarche artistique dans l’immobilier. Par exemple, sur le boulevard Léon Bureau, où passent des voitures, pour l’apaiser, la Samoa a eu l’idée de faire appel au Voyage à Nantes, qui a recherché un artiste, en l’occurrence Aurélien Bory qui a imaginé les dessins avec la société de chantiers publics Colas. Nous travaillons avec tous les promoteurs de Nantes. Et c’est la ville à l’unisson qui est dans cette démarche.
Actuellement, à la demande de Nantes Métropole, nous travaillons avec des designers sur les pistes cyclables, sur des enseignes de boutiques. Cette façon de faire est issue de cette continuité, si bien qu’aujourd’hui, c’est devenu un réflexe de faire appel à des créateurs pour tous les nouveaux aménagements.
Cette ville est devenu un terreau formidable pour la création. De plus en plus de designers, artistes, architectes viennent s’installer à Nantes parce qu’ils sentent ce terrain extrêmement favorable. Pour nous, les artistes locaux, cela n’existe pas. Quand on fait intervenir des artistes, on essaie de trouver des artistes qui correspondent le mieux à l’équation posée. Comme le serpent d’océan à St-Brévin qui a été conçu par un artiste chinois et qui en fait maintenant une destination touristique.
Ces grands mouvements vers l’écologie, le vert, le végétal nous happent. Nous n’inventons rien, mais restons à l’affût. C’est par exemple ce qu’a fait Evor Passage Bouffaut en végétalisant la ville, ou avec le grand séquoia du boulevard de la Prairie aux Ducs. C’est aussi le cas pour la gastronomie locale parce que la cuisine traverse tout, c’est une évidence. Ou quand nous redessinons 22 bus avec jubilation pour la TAN. C’est l’art qui traverse la ville sans arrêt et que l’on voit passer dans les rues. Pour nous, c’est devenu une habitude, une évidence.
Il faut que la créativité s’incarne, qu’elle soit partout présente partout, parce que la créativité, c’est l’intelligence, le désir, ce qui fait notre bonheur d’être là. Certaines villes sont très minérales, très construites mais n’ont pas intégré cette dimension humaine et créative. A Nantes, nous avons fait venir des parfumeurs, parce que l’on considère que la ville vit comme une personne, qu’elle a un parfum spécifique. Nous avons demandé à 3 parfumeurs de venir créer un parfum qui corresponde à l’idée de la ville. Ces parfums sont très élaborés, très étranges. Les Nantais auront la possibilité jusqu’à fin décembre de venir respirer les 3 parfums et d’en choisir un. C’est une façon de considérer la ville et ses habitants comme sensibles. Ils vont s’amuser, vont être curieux et vont participer à une nouvelle création de la ville. C’est un message très positif, presque magnifique, qui peut aussi être très critique, mais on s’en fiche ! L’essentiel, c’est que ça bouge, que ça crépite, que ça réagisse, que l’on soit dans une ville vivante et agréable à vivre.
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